Le château Dufresne, un joyau de notre patrimoine.

Fresque du centre du plafond du côté est de l’entrée, peinte par Guido Nincheri. Photo: © GEC

En 1899, la famille Dufresne, originaire de Yamachiche, près de Trois-Rivières, vient s’installer à Maisonneuve, ville qui sera annexée à Montréal en 1918. Thomas et son épouse Victoire, née Du Sault, sont accompagnés de leurs cinq enfants, Oscar, Candide, Marius, Romulus et Cécile. En 1891, ils fondent une manufacture de chaussures.

Émilie Desharnais /

La compagnie Pellerin et Dufresne, qui prendra plus tard le nom de Dufresne & Locke, en 1901, connaîtra un succès considérable grâce en grande partie au sens inné des affaires de Victoire. Femme d’avant- garde, elle s’occupa de la gestion de son entreprise et fit fortune. Au fil des années l’entreprise se dotera d’une tannerie, et la manufacture de chaussures devient florissante. Oscar occupa d’abord le poste de gérant, puis de directeur. En 1908, Victoire meurt à l’âge de 63 ans, suivie de son mari, Thomas, de dix ans sa cadette, en 1923.

Après le décès de ses parents, l’aîné des enfants, Oscar, né en 1875 et marié à Alexandrine Pelletier, succède à son père à la tête de l’entreprise. Devenu un industriel très respecté, il est nommé Conseiller municipal de la Cité de Maisonneuve et président des finances, dès 1906. Il participe
également à la création du Devoir et devient une des personnalités les plus influentes de la ville de Maisonneuve.

Hall d’entrée, typiquement de style Beaux-Arts. Photo: © GEC

Marius, le troisième fils de la famille, né en 1883, fait des études en ingénierie et en architecture à l’École polytechnique de Montréal. Pour faire de Maison- neuve une «cité modèle», il entreprend de nombreux projets d’urbanisme et d’architecture qui transformeront la ville. La famille Dufresne fait partie de la riche bourgeoisie franco-canadienne de l’époque, et en 1915, Marius décide de construire une résidence familiale somptueuse entourée de jardins, avec l’aide de l’architecte français Jules Renard. Érigée à l’angle de la rue Sherbrooke et du boulevard Pie-IX, la demeure comprend deux bâtiments symétriques, séparés par un mur mitoyen, l’un pour son frère Oscar et l’autre pour lui-même. Moyennant la fabuleuse somme de un million de dollars de l’époque, Marius fait bâtir cette imposante résidence inspirée du Petit Trianon de Versailles, dans le style des Beaux-arts. On peut le voir comme un des seuls hôtels particuliers de l’est de Montréal. La construction durera trois ans et en 1918, chacun s’installera de son côté, à l’est, pour Marius et à l’ouest, pour Oscar.

Mobilier oriental du fumoir, à cheval entre les styles Beaux-Arts, et Art-Nouveau. Photo: © GEC

Le revêtement extérieur des deux maisons en pierre calcaire de l’Indiana sur béton, les huit colonnes ioniques de la façade et le parapet à balustrades lui donnent un cachet particulier et monumental. La demeure dispose de 40 chambres et pièces de différents styles, salon d’inspiration Louis XV ou Louis XVI, salle à manger style Renaissance italienne, bibliothèque gothique ou Tudor, fumoir à l’oriental, jardins d’hiver, plan- chers en bois exotiques, escaliers en marbre d’Italie. Toutes les commodités de l’époque sont aussi présentes: électricité, eau chaude, chauffage central, aspirateur central, garage, etc.

Amateurs d’art et de magnifique mobilier d’époque, les deux frères Dufresne emplissent la maison d’objets et de tableaux de grande valeur. Des toiles du peintre et maître-verrier d’origine italienne, Guido Nincheri, ainsi que de magnifiques fresques ornent les murs et plafonds de certaines pièces.

En 1936, après le décès d’Oscar, resté sans enfant, Candide, le fils cadet des Dufresne, vient s’installer dans sa maison avec sa femme et ses cinq enfants.

Marius, marié à Edna Saurio, également sans enfant, habitera sa maison de 1918 à 1945, année de sa mort, suite

à un accident sur le chantier d’un pont en construction. Son épouse et ses enfants quitteront définitivement la demeure en 1948.

C’est alors que continue le cheminement surprenant de cette imposante demeure vidée de son sang.

Suite de la vie du Château Dufresne

* De 1949 à 1957, les Père de Sainte-Croix prennent possession du château pour y loger leur Externat Classique et en 1957, ils acceptent de céder la maison à la Ville de Montréal en échange d’un terrain voisin pour agrandir le Collège de Maisonneuve. Toutefois l’enseignement des cours classiques continueront jusqu’en 1961.

* Les lieux restent inoccupés jusqu’en 1965 quand s’installe le Musée d’Arts Contemporain, lequel déménage en 1968.

* Le château est alors déserté et se détériore pendant près de dix ans. En 1976, le maire Jean Drapeau invite le mécène M. David M. Stewart pour étudier diverses possibilités de travaux de restauration. Sauvé par la fondation MacDonald-Stewart, le château sera classé au patrimoine culturel comme monument historique, en 1976.

* De 1977 à 1997, le Musée des arts décoratifs occupe les lieux.

Hall d’entrée côté ouest. On aperçoit l’effigie de Napoléon et ses généraux sur la table d’entrée. Photo: © GEC

* En 1999, le Musée du Château Dufresne ouvre ses portes. Il est géré par la Société du Château Dufresne, un organisme sans but lucratif. Dédié à la préservation, à l’étude de l’histoire et du patrimoine de l’est de Montréal, le Musée est une mine de richesses artistiques, architecturales, culturelles et sociales du patrimoine montréalais et québécois.

Oscar et Marius Dufresne auront réussi leur pari de démontrer que les Francophones aussi, sont capables de créer de la richesse et d’édifier des superbes constructions dans le côté Est de l’Île de Montréal. La famille Dufresne a légué à la postérité un hôtel particulier de qualité dans l’Est de Montréal, librement inspiré d’esthétiques à la française, faisant le contrepoids au « golden square mile » et à Westmount, du côté Ouest de l’Île, où l’élite anglophone de Montréal a construit des immenses manoirs inspirées d’esthétiques britanniques. Ce faisant, ils ont tracé la voie pour que d’autres en soient inspirés, d’où l’importance de ce châtelet moderne situé à l’ombre du stade olympique et du Jardin Botanique de Montréal.

Quand on se penche sur le parcours mouvementé du Château Dufresne, sauvé de la destruction grâce à l’intervention de nombreuses personnalités qui se sont durement battu pour le sauvegarder, on ne peut que se réjouir de pouvoir revivre un peu les heures de gloire de cette magnifique demeure qui restera un joyau de notre patrimoine.

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1 mois il y a

On a un petit travail de recherche cette session ci sur le patrimoine architectural de la région de Montréal et j’ai choisi le chateau Dufresne. J’ai presque toutes trouvées les infos que je cherchais ici alors merci mme Desharnais!

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