Échantillonage enthousiaste.
Depuis quelques années, l’essor des microbrasseries a atteint un certain équilibre et fait place à un autre phénomène des plus intéressants, celui des micro-distilleries. On voit donc apparaître plusieurs nouvelles productions québécoises parmi lesquelles le gin semble être le plus populaire et se retrouve maintenant en plusieurs déclinaisons. Est-ce qu’il y a trop de gins québécois ? Bien sûr que non mais alors d’où vient cette abondance ?
Pierre Hervé/
La récente popularité du gin peut s’expliquer de
diverses façons. Premièrement, c’est un alcool qui se prête bien à
différentes utilisations et différents mélanges et qui peut donc plaire à
tous. Ensuite on peut parler d’un effet de mode et d’une boucle de
rétroaction positive; plus il y en a, plus on veut en essayer, plus on
développe son goût, etc. Sinon, d’un point de vue strictement pratique,
le gin permet aux nouveaux distillateurs de mettre rapidement leur
produit sur le marché car il ne demande pas de longue maturation en
baril. C’est à la base un alcool neutre qui tire son essence de la
façon dont il est aromatisé ce qui laisse une grande place à
l’originalité, l’expérimentation et les recettes secrètes.
La classification des gins québécois
On remarque d’emblée que les distillateurs sont inspirés
par l’aspect forestier/boréal du Québec car on retrouve le Canopé Gin
forestier, Le gin Thuya, le Cirka gin Sauvage et l’Ungava. À ce compte,
pourquoi pas un gin de la mer, un gin du jardin et un gin urbain. Et
bien justement un alambic de Rimouski produit le très maritime gin
St-Laurent, certains producteurs subversifs aromatisent leur gin au
panais et finalement le Romeo’s; dry gin montréalais pourra porter le
titre de produit urbain.
Afin d’aider le consommateur à faire un choix éclairé,
l’équipe d’EDS a entrepris une analyse détaillée de ces produits pour
trouver la meilleur application pour chaque gin. N’étant pas un des
experts en dégustation de spiritueux associés à EDS, j’ai plutôt
procédé à une approche systématique: l’échantillonnage de chaque
bouteille a été fait avec assez de répétition pour être statistiquement
significative et les impressions notées immédiatement à la fin de
l’expérience.
photo©EDS |
Canopée
Ce produit pourrait passer inaperçu sur les tablettes
avec une bouteille assez discrète qui ne laisse entrevoir que l’ombre
d’une forêt de conifère, mais le produit est très intéressant et bien
équilibré. Sachant résister aux excès d’expérimentation et d’exotisme,
les experts de la distillerie Mariana de Louiseville, en Mauricie, ont
utilisé ce qu’ils avaient sous la main : épinette, érable, thuya,
genévrier et chêne. Le résultat en est un qui se tient et Canopée offre donc son propre bouquet gustatif dans chaque verre.
À boire au camp de chasse ou au chalet après une longue
journée de plein air. Pour ceux n’ayant pas de chalet, à boire en
imaginant les aromates pendus dans le processus de distillation de ce
gin mauricien.
Thuya
Très très aromatique, presque médicinal, mais ce qui
peut ressembler à un excès d’enthousiasme de la part des producteurs est
en fait un hommage aux tisanes de thuya préparées par les Amérindiens
pour sauver Jacques Cartier et ses hommes à l’hiver 1535-1536.
Aujourd’hui alors que traverser l’hiver est un peu plus facile et moins
propice au scorbut on pourra tout de même en prendre une bonne gorgée au
goulot pour s’allumer un petit feu dans le ventre et braver la tempête.
Sinon dans un contexte plus civilisé, il se marie très bien avec l’amertume du tonic et pourra faire des cocktails qui ne passeront pas inaperçus. Le Thuya est une excellente option pour ceux qui recherchent un produit unique, les relents de génévrier ne manquent point.
Cirka
On le dit inspiré de la forêt boréale bien qu’il soit
produit à Montréal. Infusé d’une combinaison apparemment secrète de
plus de 30 aromates on lui trouve un profil gustatif intéressant mais
avec un manque d’équilibre entre les notes fruités et les arômes de
conifère. Par contre, le mariage avec l’arôme d’érable est excellent et
je n’hésiterais pas à cacher dans mon manteau un petit flacon de ce gin
pour ma prochaine visite à la cabane à sucre. Il possède une très
appréciable polyvalence qui sait donner un certain je ne sais quoi à
tous les cocktails testés. Somme toutes, le Cirka
est délicieux comme gin. Il inspire à celui ou celle qui le boit des
notes rappelant subtilement les territoires de la forêt boréale.
Piger henricus
Il est distillé en petits lots, avec des aromates bien
choisis: baies de genièvre, cardamome, écorce de citron, coriandre et
racine d’angélique, mais ce qui fait réellement sa particularité en
terme de notes végétales, est l’ajout de panais. Le panais apporte un
aspect typé à cette eau de vie. Typé, mais harmonieusement bien
amorti. Le Piger Henricus est
fait par les Distillateurs Subversifs à partir d’un alambic de 350
litres. L’eau pure utilisée provient d’une source exclusive trouvée sur
place, à Saint-Alexandre, dans le Haut-Richelieu, en Montérégie. Doux
et rond. N’a pas besoin d’être dilué ou mélangé pour être apprécié. À
boire en cuisinant le vendredi soir.
Romeo’s
Se compare bien aux dry gins classiques. Le Romeo’s dry gin
est un gin qui se veut un hommage à Montréal. Il possède une signature
aromatique unique mais en même temps est assez polyvalent pour être
intégré à de nombreux cocktails. Les aromates infusés lors de la
distillation sont les baies de genièvre, le concombre, l’aneth, la
lavande, l’amande et le citron. Chose intéressante, chaque édition est
embouteillée dans une bouteille comportant une oeuvre d’un artiste
visuel Montréalais. Les différentes esthétiques reflètent ainsi le
caractère de Montréal et les bouteilles sont donc des pièces qui
pourront se collectionner dans le futur.
St-Laurent
Le graphisme de l’étiquette est vraiment magnifique mais
ce qui se trouve dans la bouteille l’est tout autant. De tous les gins
testés c’est vraiment le plus apprécié autant pur qu’en mélange on note
un petit quelque chose de plus dans l’arôme. et un très bon équilibre
qui résulte sans doute d’un savant mélange d’herbes marines. C’est très à
propos puisque le Saint-Laurent
est distillé en très petits lots, avec fierté, à Rimouski, dans le
Bas-Saint-Laurent. Les ingrédients aromatiques proviennent donc des
alentours du lieu de fabrication. C’est vraiment un excellent produit
qui mériterait même d’être exporté. Herbes marines cueuillies à la main
ou par les tentacules d’un poulpe scaphandrier, on n’est pas certain.
Voici donc un florilège de gins du Québec. Tout en rappelant que la modération a bien meilleur goût, nous vous encourageons a adopter un gin qui vous convient, en tenant compte de vos intérêts et de vos goûts. C’est un excellent exercice d’encourager cette récente explosion dans ce secteur des eaux de vie artisanales du Québec. Bonne dégustation!
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