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États de Splendeur - Publications EDS

 

 

Le Métier de la saison. À chaque numéro de la publication, une page est dédiée à un métier particulier, et à une personne qui exerce ce métier. Voici un aperçu des différents métiers, parfois uniques, parfois de véritables vocations, explorés dans États de Splendeur.

 

Vignette Historique de la saison. Chronique revenant aussi à chaque saison, États de Splendeur se penche sur un personnage, lieu ou fait historique significatif pour aider à comprendre le Québec d'aujourd'hui.

 

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Métier de la saison: véritable fromager Parisien

LE MÉTIER DE LA SAISON: L'Amour du fromage pour tous. Véritable fromager-affineur parisien.

L'amour du fromage pour tous à la fromagerie Androuët, Paris.

Lorsqu'on tente d'imaginer Paris, à travers la planète, après les clichés immédiats que sont la tour Eiffel et la baguette transportée sous le bras, l'image d'un fromage et celle d'une bouteille de vin viennent à l'esprit. Depuis des siècles, des tonnes de fromage sont vendus dans les marchés et boutiques de Paris. Après une concentration de l'offre et la demande dans les grandes surfaces, un intérêt revient peu à peu aux commerces de proximité. Plusieurs adoptent désormais une fromagerie, selon les critères de leur choix.

PATRICK HACIKYAN/

Dans le plein creux de la ville, un fromage est une mine d'or miniaturisée qui renferme le murmure du terroir transmettant, lui, une parcelle d'une bête, d'un paysan, d'un paysage et d'un fil de météo. Voilà pourquoi depuis toujours, même depuis Lutèce, les citadins sont avides de s'abreuver à cette fontaine du vivant. De la panoplie de marchands qui, génération après génération ont amené leur paquets de fromages dans la Capitale, certains sont devenus des légendes. D'autres ont usé de leur ingéniosité et sont devenus des commerces qui ont encore aujourd'hui pignon sur rue. Parmi les plus illustres de ces commerces trône la chaîne Androuët. Qui parmi les amateurs de fromages de Paris ne connaît point Androuët ? Peut-être une âme née de la dernière pluie.


Un début déterminé

L'histoire débute en 1909, lorsqu'un colporteur nommé Henri Androuet constate un manque dans le centre de la capitale. La population citadine est très gourmande, et pourtant n'a pas accès à toute la splendeur de la production fromagère du pays. Il décide donc d'ouvrir boutique et voilà qu'il amorce sa carrière véritable. Ayant un flair certain pour le bon fromage, Henri Androuët ne se contente pas de vendre au détail les fromages déjà distribués sur Paris. Deux angles vont déterminer son approche de maître. Primo, il ne fait pas que revendre des fromages et autres produits mais les soigne et les affine afin de les offrir à leur meilleur et même de les bonifier. Secundo, il décide d'enfiler ses souliers de marche et de parcourir la France pour y recueillir le meilleur qui s'y fait, toujours dans des lieux plus reculés. Le résultat est ce qui fera la persistance de l'entreprise. La maison Androuët fera parler d'elle et se taillera une réputation définitive.

Henri Androuet (image de www.androuet.com)


Le bébé grandit

La prochaine étape survient dès les années 1920. La maison est alors très courue par les gourmets de tout Paris. Androuët propose déjà plus d'une centaine de fromages dans son commerce. Henri Androuët décide de lancer une cave de dégustation. Lors de ces parties d'échantillonnage de produits issus des quatre coins de la France et de l'affinage Androuët, le succès est tel que les invétérés du fromage finissent par en faire une référence.

Dans les années 30, c'est le fils d'Henri qui prend la relève de l'entreprise. Il poursuivra l'expansion des activités et ouvrira le restaurant. C'est ce restaurant gastronomique qui fera de la maison Androuët une institution. Autant les fromages, servant d'ancre au menu proposé, que la cave à vins, seront la source d'une perception des plus hautes de la part du public, pour ce haut lieu de restauration de Paris.

Les fameuses caves de dégustation de chez Androuët

(image de www.androuet.com)


Reconnaissance internationale

Pierre Androuët, le fils du fondateur Henri Androuët, oeuvrera dans les années suivantes à continuer d'élever l'excellence de la maison. Suivant les traces de son père, il ira toujours plus loin, à la recherche de fromages authentiques, allant désormais au delà des frontières françaises. Pendant ce temps, le restaurant gastronomique commence à être fréquenté par des personnalités connues à travers le monde, telles que la Callas, chanteuse d'opéra légendaire, ou encore Orson Welles, Jean Gabin, Ernest Hemingway et Toshiro Mifune, pour n'en nommer que quelques uns.

La renommée de Androuët passera aussi par un autre volet clé, celui de l'affinage des fromages. Pierre Androuët perfectionnera ses techniques d'affinage, faisant de son établissement un véritable partenaire des producteurs. En effet il prendra le temps, dans sa cave, d'affiner et d'amener à un autre niveau d'expression organoleptique les fromages qui lui seront confiés par les artisans fromagers. C'est ce savoir faire qui deviendra un des piliers de l'enseigne. Dans les années 1950, la fromagerie Androuët est considérée comme la référence du commerce au détail fromager à travers le monde. Un exercice qui aura été de longue route, en passant par les fameux calendriers de fromages où les produits sont identifiés par leur lieu de production, qui sauront éduquer et attiser le goût du public vers les merveilles du fromage.

Pierre Androuët (image de www.androuet.com)

 

Androuët en 2017

Aujourd'hui la maison Androuët est toujours aussi prisé par les amateurs et professionnels du monde du fromage. Elle possède plusieurs succursales à Paris, mais aussi ailleurs en France, même jusqu'en Angleterre et en Suède. L'enseigne est maintenant dirigée par Stéphane Blohorn, maître fromager, mû par un véritable désir de transmettre la Splendeur du fromage à son prochain en portant la tradition Androuët. On retrouve toujours la même qualité depuis toujours dans ces commerces, et les producteurs sélectionnés sont toujours en activité sous le signe de l'authenticité. Chaque succursale alimente à sa façon la vie du quartier qui l'entoure et affine même quelques produits sur place.

Une de ces succursales est celle de Cambronne, dans le 15ème arrondissement de Paris. Elle est sous les auspices de Jean-Yves Robin, qui la gère et y affine les fromages. Ce dernier à entrepris cette vocation suite à une fort heureuse réorientation de carrière. Un soin particulier est donné aux employés, aux clients, aux fromages, et une gratification certaine est acquise lors du processus. Lorsqu'on pénètre dans cette boutique Androuët, une signature même de l'enseigne est qu'on se retrouve en quelque sorte non pas dans un marché public mais bien plutôt dans une «bibliothèque à fromages». L'atmosphère est conviviale, tout en étant un tantinet feutrée. Chaque fromage est exposé sous son jour meilleur, grâce aux employés qui veillent dessus avec vigilance. Le commerce est assez petit, mais c'est tout à fait juste qu'il en soit ainsi. Jour après jour, particuliers se plaisent à se rendre à ce simple mais précieux rendez vous lors de leur semaine qui du reste souvent contraste avec cet instant de paisible aventure.

Fromagerie AndrouetFromagerie Androuet rue de Cambronne ©EDS


Des défis à relever pour l'avenir

Jean-Yves Robin est heureux d'avoir trouvé dans son travail une source de bonheur et de réalisation. Il est conscient que l'armada dont il fait partie doit voguer les mers du marché de plus en plus internationalisé où la compétition l'expose sans arrêt à des défis à relever. Face à une concurrence souvent de plus en plus concentrée où le mot d'ordre est la réduction des coûts et des prix, parfois au détriment d'autres facteurs, les boutiques se spécialisant dans des produits authentiques et de haute qualité doivent à tout instant être aux aguets.

Cependant celui qui s'occupe de cette échoppe observe des vents favorables et même une terre en vue. La nouvelle génération (Y, et même Z petit à petit) affiche un intérêt vif pour la fromagerie véritable. De plus en plus, jour après jour, la jeunesse entre dans la boutique à la recherche paradoxale de la nouveauté ancienne. Plusieurs veulent découvrir des nouveaux trésors fromagers issus pourtant de productions existant depuis des générations, et parfois des siècles. En même temps, une autre partie de la clientèle vient chercher réconfort dans des fromages tels qu'ils les ont connu depuis leurs premiers souvenirs associés à cette denrée précise.

Là se retrouve, selon M. Robin, une clef pour la poursuite du commerce vrai du fromage de haute qualité. C'est dans l'éducation que se transmet la passion du fromage, ainsi que de tout sujet pertinent. Il est un devoir pour ceux ayant une certaine connaissance, de la partager avec ceux susceptibles de la comprendre et de l'apprécier. Nous serions surpris de voir la largeur du spectre des personnes intéressées par la découverte ou la redécouverte de ce qu'est un fromage fermier. L'éducation se fait de manière progressive; on ne débute pas avec un Munster du jour au lendemain! Débutons à partir d'un lieu déterminé par la localisation gastronomique actuelle de celle ou celui qui apprend. C'est à partir de là que tout devient possible.

 

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