-Une vie urbaine en région?

Hors-série

 26 décembre 2010 

(Né à Montréal l’auteur a habité Sherbrooke, Québec, St-Hyppolite et maintenant réside à Rouyn-Noranda). 

Pris dans le trafic, entassé dans un métro bondé ou forcé d’habiter dans une banlieue terne à des lieues de son travail, plusieurs citadins se prennent à rêver d’une vie plus simple et plus près de la nature. Mais peu d’entre eux sont prêts à laisser tomber les avantages de la vie urbaine. Disponibilité d’évènements culturels, vie de cartier, proximité des services etc. Et la vie reculée au fond d’un rang ne fait certainement pas l’affaire de tout le monde. Mais est-ce possible de mener une vie urbaine dans une petite ville de région ?

Pierre Hervé / (collaboration spéciale).

Pour profiter d’un antre environnement que la grande ville doit on absolument se priver d’une vie culturelle, de cafés, de boutiques, de vie de cartier…
Certaines villes comme Sherbrooke, Saguenay, Trois-Rivières et Gatineau sont déjà des centres résolument urbains mais si on franchit un pas de plus vers des villes comme Rimouski, Rouyn-Noranda, Val d’or, Baie Comeau, Mont-Laurier, Rivière-du-Loup on trouve des exemples intéressants de milieux de vie bien balancés entre les avantages d’une ville et une vie sans le stress urbain, plus près de la nature et des gens. 
Premièrement, le Montréalais qui voudrait déménager en région n’a pas à avoir peur de mourir d’un douloureux sevrage de culture. On ne peut pas s’attendre à vivre l’ampleur du festival de Jazz, des Francofolies ou du festival d’été de Québec si on habite Chibougamau ou Havre-St-Pierre. Mais des rencontres musicales exceptionnelles se produisent chaque année lors d’évènement comme le FME à Rouyn-Noranda, le festival de Tadoussac ou le festival en chanson de Petite-Vallée. On est même témoins de l’émergence de scènes régionales produisant nombre de musiciens talentueux (au Saguenay au cours de la dernière décennie et présentement à Val d’or) un peu comme le Seattle des années 90 à petite échelle. 
D’un autre coté, au niveau de la culture gastronomique en région on fait face à un problème de dualité. D’un coté l’omniprésence des grande chaînes comme Mike’s, St-Hubert, Cage aux Sports etc. et de l’autre la conscience renouvelée de l’importance des produits régionaux et la demande plus forte pour ce genre de produits. Cet aspect est particulièrement important afin de créer une appartenance et des particularités régionales. Et bien que l’inertie soit grande, la roue commence à tourner alors que quelques régions (Charlevoix en tête) posent les bases d’une culture culinaire régionales forte. Plus intéressant encore, l’essor des micros brasseries très présentes en région (Trèfle Noir à Rouyn, Trou du Diable à Shawinigan, Naufrageur à Carleton, la Micro Brasserie du Lac à St-Gédéon et bien d’autres) permet justement de créer une saveur et une ambiance locale. 

L’autre étape importante pour atteindre un mode de vie d’une qualité un peu plus urbaine est la concentration géographique de ces entités (resto, boutiques, micro brasseries, produits régionaux, scène musicale, etc.). Une seule solution s’impose alors : ressusciter les rues principales !! Même dans les petites villes où on était juste quatre mille les rues principales ont toujours été des pôles important de rassemblement et de vie communautaire. Mais tués à coup de walmartisation, d’étalement ou simplement de désintérêt au profit des grandes surfaces, trop de rues principales sont maintenant moribondes. L’alternative offerte est peu réjouissante; un grand boulevard à l’entrée de la ville pour réunir les épiceries à grandes surfaces, les grandes chaînes de restauration, les concessionnaires auto. On se retrouve trop souvent avec un boulevard identique et interchangeable que l’on soit à Baie-Comeau ou à St-Jérôme et qui est habituellement inaccessible à pieds. 
Par contre, on peut citer comme exemple de réussite la ville de Rimouski qui présente un centre ville dynamique et vivant avec des restos, une salle de spectacles, et la proximité de l’université. Les élus de plusieurs villes pourraient s’en inspirer, car un sérieux manque de vision fait des ravages dans plusieurs autres villes où l’on délaisse le centre ville au profit des nouveaux développements (pour ainsi répéter les erreurs commises ailleurs dans le passé et s’entêter dans un mode de développement désuet). 

Ensuite, la meilleure garantie d’un essor des villes de régions devrait passer par un développement intelligent de nos ressources naturelles. On ne peut tout simplement pas ignorer la réalité des ressources naturelles en région que ce soit la forêt, la pêche ou les mines. L’essor des régions et l’urbanisation des villes ne se fera pas par la simple exploitation aveugle des ressources (raser la forêt pour exporter le plus de 2×4 possible ou avoir comme seule limitation à la construction de barrages le nombre de bulldozer disponibles) mais bien par l’exploitation intelligente de ces ressources (2e, 3e transformation, approche écosystémique, nouvelles technologies minières, gestion des résidus, diversification de la production énergétique etc.). Cette approche demande beaucoup de savoir faire et permettra de maintenir les emplois liés directement à l’exploitation et de créer en plus toute une autre gamme d’emplois en environnement, ingénierie, écologie et autre. C’est à ce niveau qu’un autre aspect de la vie urbaine en région entre en jeu : la présence de pôles universitaires. En effet, le réseau de l’université du Québec est très présent en région notamment en Abitibi (UQAT) et à Rimouski (UQAR). La présence de ces universités permet le développement d’expertises régionales de pointe (chaires de recherche en foresterie, en gestion des résidus miniers à Rouyn, centre de recherche en océanographie de renommée mondiale à Rimouski, station de recherche en écologie forestière au Lac Duparquet, Centre d’études nordiques présent dans les communautés de la Jamésie, etc.). Non seulement l’expertise régionale se développe, mais les étudiants peuvent rester dans leurs régions pour étudier. Et plus important encore, l’expertise de pointe attire un grand nombre d’étudiants et de chercheurs étrangers (d’Europe, d’Asie et d’Afrique). Cette masse critique contribuera assurément à la diversification de la vie urbaine. 

Bref, la vie existe à l’extérieur des grandes villes. La vie culturelle est bien vivante, le terroir s’affirme de plus en plus et la vie académique et intellectuelle se raffine avec des expertises en recherche de pointe et nombre d’étudiants étrangers. Plusieurs jeunes reviennent d’exil en rapportant un bagage de vie urbaine, de nouvelles idées, de nouvelles exigences. Et si le développement anticipé du nord Québécois se fait de façon intelligente, on peut imaginer un essor intéressant des régions. Probablement même une transition du mode mono industriel dépendant des ouvertures et fermetures d’usines vers un mode économique plus sain et plus diversifié. 
Mais tout ça demandera un effort de vision et d’audace de la part de nos élus ainsi qu’un plus grand contrôle sur la gestion de nos ressources naturelles……Malheureusement ces aspects ne sont pas gagnés !

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